Pas de poules moillées au poulailler

retour
Branle-bas de combat au poulailler.
C’est Pédro, le vieux cormoran, qui a donné l’alerte.
– Ennemi en vue ! Les coqs aux créneaux !
Les dames et les enfants aux abris !
À l’orée du bois, un brigand affamé
observe le poulailler en se pourléchant les babines.
Le jeune goinfre imagine tous ces bons œufs
dans leurs nids et grogne de plaisir.
Les petits coqs, le mollet tendu, bombent le torse et
gonfl ent leurs biscotos, afi n d’impressionner le maraudeur
et le faire déguerpir.

Il en faut plus pour effrayer le voleur au ventre vide qui les nargue.
– Alors, les coquelets ! On a du sang de poulette dans les veines ?
Le ton monte. Les menaces fusent.
– Dégage, sale gobeur, ou je te ratatine le museau !
s’écrie Coquenpâte.
– Tu ne me fais pas peur ! Approche, et je te transforme
en chair à pâté ! avertit Bangcoq.
– Pourquoi ce gredin fouine-t-il autour de notre maison ?
demande Carmen.
– Parce que c’est une fouine, justement ! explique sa maman.
L’automne venu, ces bestioles ne trouvent plus rien à se mettre
sous la dent. Alors elles attaquent les poulaillers,
où il y a des œufs en toute saison.
– Bande de sauvages ! S’en prendre
à de pauvres œufs sans défense, s’indigne Carmélito
en courant rejoindre ses copains.
Impatients à l’idée d’en découdre, Coquenpâte,
Molédecoq, Bangcoq, Coqpitt, Coqueluche
et Carmélito s’élancent aux cris de :
– Allons, enfants de la batterie !!!
– Boutons l’ennemi hors du poulailler !!!
Pitikok et le vieux Pédro tentent vainement de les retenir :
– Revenez ici tout de suite, les garçons !
C’est dangereux ! Attendez-nous !
– J’ai réussi ! se réjouit la fouine.
Ces coqs sans cervelle ont mordu à l’hameçon !
Les mères poules sont inquiètes de voir s’éloigner leurs petits coqs.
Même s’ils jouent les durs, ils semblent encore bien tendres
pour aller au combat.
– Pitikok et Pédro veilleront sur nos jeunes guerriers,
les rassure Carméla.
– Nom d’une poule ! s’exclame Carmen.
Regardez toutes ces bonnes friandises qui se font la belle…
– Bêêê, que se passe-t-il ?
La terre tremble sous mes sabots ! dit Bélino.
– Alerte ! hurle tantine Coquette. Alerte !
J’aperçois des ombres inquiétantes qui jaillissent du bois !
Rentrez vite à la maison !
– Pas de panique, mesdames ! lance Carméla.
Que chacune d’entre vous veille sur ses poussins.
Carmen et Bélino ferment la marche.
– Vienpoupoule… ! Hucocotte… ! Coquillette… !
Fini de jouer, il y a du danger !
Tout le monde regagne son nid !
Misère à plumes ! Une troupe de fouines sanguinaires
vient de franchir le mur d’enceinte du poulailler
et bruyamment s’élance.
– C’est la terrible bande de Vasypapa
et les Quarante Gobeurs ! s’étrangle Carméla.
Des pillards à la gloutonnerie sans limites. Pour gober un œuf,
ces affreux n’hésitent pas à saigner tout un poulailler…
– Mon plan a réussi, glousse le chef. Il n’y a plus
que les femmes là-dedans ! Silence et recueillement, les enfants,
nous allons passer à table… Grrr… Grrr… Grrr.
Courageusement, Carméla et la petite Carmen
tentent de raisonner les pillards.
– Avant de commettre l’irréparable, je vous en supplie,
écoutez ma maman ! leur lance Carmen.
– Monsieur Vasypapa,
tous les médecins vous le diront :
gober des œufs en trop grande quantité
n’est pas bon pour la santé…
Carmen poursuit :
– Dans les bois il y a plein d’autres choses délicieuses
à manger : des champignons, des noix, des noisettes…
– On n’est pas des écureuils ! s’esclaffent les gobeurs.
– Ouais, on connaît la chanson, ricane Vasypapa.
Cinq fruits et légumes par jour.
Mais nous, c’est les œufs qu’on préfère !
Les mamans poules, avec l’aide des petites poulettes,
organisent leur défense.
– N’aie pas peur, Carmen, dit Bélino, je… je… je suis là !
– J’espère que mon papa, qui est très fort, va bientôt rentrer
pour nous protéger et chasser cette bande de brutes.
Pendant ce temps-là, les jeunes coqs
continuent la poursuite infernale.
Ils vont donner à cette fouine la leçon qu’elle mérite.
– Revenez ! Revenez ! supplie Pitikok.
Mais les cris de victoire fusent déjà :
– On la tient ! ha ! ha ! ha !
– Regardez ! Elle est morte de trouille !
– Ouais ! On est les champions…
Au poulailler, on essaie de se rassurer.
– Quand elle entendra tout ce boucan,
la fermière va venir et chassera ces monstres,
fait sagement remarquer tante Coquette.
– Impossible de compter sur elle, s’emporte Carmen.
La Vilaine est invitée à un mariage et sera absente trois jours.
Le poulailler a retrouvé sa joie de vivre.
Les petits coqs ont entamé une partie de pouleball endiablée.
Pédro arbitre, Carmélito est dans les cages.
– La passe, Bangcoq ! Fais-moi la passe !
– M’sieu ! M’sieu ! Il est hors jeu !
– Ouiiinnn ! Molédecoq m’a tendu un croche-patte !
– Pénaltyyyy !!! Pénaltyyyy !!!
– Chuuut ! Moins de bruit, les enfants !
Il y en a qui dorment…

source:Eden Livres